Echec

Ludovic Bréant a créé ou repris une centaine d’entreprises pendant 25 ans. Après avoir fait grandir son groupe jusqu’à 80 millions d’euros de chiffre d’affaires, il a été contraint à une liquidation judiciaire en 2011. En exclusivité pour Les Echos Entrepreneurs, il analyse ses erreurs et livre ses conseils pour s’en sortir.

7 conseils de Ludovic Bréant, serial entrepreneur

Ludovic Bréant, qui a créé et repris une centaine d’entreprises pendant 25 ans, revient sur son échec entrepreneurial. Après avoir fait monter le chiffre d’affaires de son groupe composé de diverses activités dans la construction bois, l’hôtellerie et l’immobilier de 0 à 90 millions d’euros en cinq ans, avec des fonds propres de 30 millions d’euros, l’entrepreneur connaît de fortes difficultés. Avec la crise des subprimes, le carnet de commandes de ses trois usines bois chute de l’ordre de 40% en 2009, ce qui ébranle l’ensemble du groupe et le conduit pendant un an et demi en procédure de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires puis au dépôt de bilan en 2011. Il nous livre quelques enseignements tirés de son échec.

1- se concentrer sur son cœur de métier

Un des facteurs clés de succès étant la maîtrise de la fabrication, Ludovic Bréant a voulu fabriquer en usine des modules de maisons à assembler. « J’aurais dû sous-traiter cette partie plutôt que de l’intégrer. J’ai voulu quitter mon cœur de métier qui était l’hôtellerie et l’immobilier pour me lancer dans la construction et l’industrie du bois. C’était une erreur, surtout en période de crise. Cela a été le début de mon échec. J’ai investi dedans au plus mauvais moment, en 2008, quand cette industrie a connu des baisses spectaculaires de chiffre d’affaires. »

2- favoriser un développement maîtrisé

« J’ai privilégié un développement trop rapide et pas forcément maîtrisé de mon entreprise. J’avais pour ambition d’amener le groupe à un milliard d’euros en 2020, avec une forte présence à l’international. Ayant déjà connu beaucoup de succès auparavant, je ne me suis pas arrêté là. J’avais une telle soif de reconnaissance, notamment familiale, que j’ai toujours cherché plus. J’ai voulu combler un manque, un vide dans l’argent, l’acquisition, les nouveaux développements. J’ai compris trop tard qu’il ne faut pas aller chercher toujours davantage mais être en adéquation et fier de ce que l’on a déjà créé. Dans ma quête du toujours plus, j’étais incapable de célébrer ce qui était. Rien n’était jamais assez bien, assez rapide, assez grand pour moi. L’adrénaline que me procurait cette course à la performance me poussait à une vraie frénésie de développement : créer de nouvelles entreprises, en racheter d’autres, rechercher la forte croissance à tout prix… En tant qu’entrepreneur, j’ai longtemps fonctionné en me fixant des objectifs ambitieux. Chaque début d’année, je dressais ma liste : le cours de bourse, le chiffre d’affaires, le résultat à tel niveau avant la fin de l’année à venir. Ou encore, acquérir tant de biens immobiliers, créer tant de nouveaux concepts…

3- être dans le moment présent

« J’avais tendance à me projeter dans l’avenir en permanence. J’étais dans le besoin obsessionnel d’atteindre des objectifs, de réussir. J’étais si pressé d’arriver au futur que le présent était devenu une étape obligée ; le stress me rongeait de l’intérieur. A peine commencé un rendez-vous, j’étais déjà pressé de passer au suivant… J’avais pris également l’habitude, dès qu’un objectif était atteint, de partir sur un nouveau projet sans prendre le temps de savourer l’instant, celui de la réussite… »

4- écouter les signes de son corps

« Le lendemain où j’ai acheté une usine de production de 170 personnes, j’ai eu un lumbago terrible. J’aurais alors dû me dire « je ne suis pas sur le bon chemin, j’ai pris la mauvaise décision, je ne suis pas en accord avec moi-même ». Il faut être sensible aux signaux faibles de son corps qui nous dit plein de choses. »

5- ne pas être dans le déni

Regarder les choses bien en face, de manière lucide. Ayant introduit en Bourse sa précédente société en 2001 et l’ayant cédé à une banque, l’entrepreneur en a tiré plusieurs dizaines de millions d’euros. « J’ai réinjecté une grosse partie de mon patrimoine personnel, 12 millions d’euros, dont 3 millions les six derniers mois car j’y croyais encore, pour tenter de sauver l’entreprise. Je m’obstinais à dire « je vais y arriver, je vais redresser la situation ». J’avais déjà connu dans ma vie de chef d’entreprise des hauts et des bas et m’en étais à chaque fois sorti par le haut. Mais là, le mal était trop profond. » L’entreprise se retrouve vite à court de trésorerie. Même chose pour Ludovic Bréant au niveau personnel. « J’ai longtemps résisté et tardé à réagir pour ne pas déposer le bilan. Pendant un an et demi, je ne dormais plus, j’étais tendu de partout, dans l’entreprise, j’avais du mal à payer les salaires en fin de mois, avec les fournisseurs et les clients je ne parvenais pas à honorer les échéances et avec ma famille j’étais physiquement là sans être psychologiquement présent. Quand une structure va mal, après avoir tout fait pour la redresser, il faut prendre rapidement la décision de déposer le bilan pour ne pas gangréner les autres structures. » C’est surtout au niveau psychologique qu’il faut réussir à l’accepter. « Ce dernier ne doit pas être vécu comme une infamie une honte mais faire partie de la vie d’un chef d’entreprise. J’ai vécu une année terrible et au final le jour du dépôt de bilan a été une vraie délivrance. »

6- accepter de se faire aider

« La réaction naturelle est de se renfermer, de se replier sur soi, or c’est l’inverse qu’il faut faire. C’est au moment au j’ai reçu l’assignation à hauteur de 35 millions d’euros du mandataire judiciaire que j’ai commencé à écouter mes conseils et mes proches. » Accepter les remarques de son entourage, s’ouvrir aux autres, échanger avec le maximum de personnes possible sur la situation de l’entreprise sont de bons réflexes à adopter en cas de difficutés. « Malgré cela les conseils avec qui j’ai pu échanger n’avaient pas connu cette situation. Mieux vaut aller voir des personnes qui ont vécu des difficultés similaires. » Ludovic Bréant a suivi les conseils de son expert-comptable, embauché durant une année entière un manager de transition de haut niveau spécialisé en gestion de crise qui a fortement restructuré le groupe par le biais de fusions, cessions et fermetures et remobilisé l’équipe de direction.

7- ne pas culpabiliser

« Je me sentais coupable d’avoir mis des gens en difficultés, entre les 500 salariés du groupe, les impayés envers les fournisseurs, les divers prestataires… Pendant des mois voire des années j’ai culpabilisé. J’ai maintenant compris que j’avais fait du mieux que j’ai pu. J’ai repris la gérance des entreprises pour que les dirigeants ne vivent pas le dépôt de bilan et presque toutes les entreprises ont été reprises, ainsi que deux unités de production sur les trois. »

2 Commentaires

  1. Merci cela m’aide beaucoup et si je reprends votre argument  » tout arrive à point  »
    Bonne journée

    Réponse
    • Je suis ravi Natacha que cet argument entre en résonance avec vous !

Poster le commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.